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L'acidité des eaux au Québec (1999) (suite)

Historique de la problématique des précipitations acides

L’intérêt pour les précipitations acides au Québec s’est manifesté vers la fin des années 1970 lorsque certaines études scientifiques ont montré que le sud-ouest de la province recevait des précipitations très acides. Ces observations, combinées au fait que le territoire québécois est en grande partie vulnérable à l'acidification, ont incité les gouvernements, les groupes d'intérêt, les scientifiques et la population en général à s'interroger sur les conséquences de cette pollution sur l'environnement. La communauté scientifique reconnaît que les précipitations acides ont des effets néfastes sur les écosystèmes aquatiques, terrestres et forestiers, ainsi que sur la santé.

Au début des années 1980, l'accent a été initialement mis au ministère de l'Environnement sur l'évaluation de l'impact des précipitations acides sur les eaux de surface, les organismes biologiques et sur la mesure de la qualité des précipitations. De 1986 à 1990, le Ministère a réalisé la première phase des inventaires de qualité de l’eau et de populations de poissons au moyen du réseau de surveillance de l’acidité des lacs du Québec (RESSALQ).

Le réseau de mesures RESSALQ représente en fait un sondage statistique de la qualité des eaux de l’ensemble des lacs du Bouclier canadien situés au nord du fleuve Saint-Laurent. Ainsi, des échantillons d’eau ont été recueillis sur 1253 lacs sélectionnés au hasard parmi 160 000 lacs répartis dans cinq grandes régions hydrographiques. Chacun de ces échantillonnages a permis d’évaluer les valeurs ou concentrations de 19 variables (pH, couleur, etc.) pour un grand total de 24 000 analyses en laboratoire. Celles-ci ont ainsi permis de décrire le niveau d’acidité, de sensibilité et d’exposition aux précipitations acides, de même que l’origine de l’acidité des lacs du Bouclier canadien. Ce même réseau a permis d’évaluer l’état de santé des populations de poissons sur 253 plans d’eau en fonction du niveau d’acidité et de sensibilité des eaux de surface.

Qualité des eaux de surface au Québec : État actuel

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La sensibilité des eaux de surface dépend généralement de la capacité des sols et de la roche en place à neutraliser l'acidité des précipitations, ce qui implique que l'examen des cartes géologiques nous permet d'identifier rapidement les secteurs potentiellement vulnérables au Québec. De façon générale, le territoire du Bouclier canadien situé au nord du fleuve Saint-Laurent constitue le milieu le plus sensible aux retombées acides. Les eaux sont également très sensibles dans les régions montagneuses où la couche de sol recouvrant la roche en place est mince (Réserve des Laurentides et Côte-Nord). À l'opposé, la rive sud du Saint-Laurent, l'Île d'Anticosti, la région périphérique du lac Saint-Jean, le secteur situé au nord de Ottawa-Hull et certains secteurs du nord-ouest québécois sont moins sensibles à l'acidification en raison de la présence de matériel calcaire dans le sol des bassins versants.

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Au Québec, les lacs acides se retrouvent presque exclusivement sur le Bouclier canadien. Ils se concentrent principalement à l'est et au sud-est de Rouyn-Noranda en Abitibi-Témiscamingue, en Mauricie près de la Réserve faunique des Laurentides et sur la moyenne Côte-Nord. Le nombre et le pourcentage de lacs acides et en voie d’acidification (en transition) varient grandement d’une région hydrographique à l’autre. Ces différences s’expliquent par une exposition plus ou moins marquée aux retombées acides ou par des différences de sensibilité du milieu ambiant. Ainsi les régions de la Côte-Nord et de l’Outaouais présentent des pourcentages de lacs acides supérieurs à la moyenne québécoise avec 33 % et 23 % respectivement, alors que ces pourcentages sont de 15,9 % en Abitibi, 11,8 % en Mauricie et 6,9 % au Saguenay – Lac-Saint-Jean. Le nombre de lacs acides varie également beaucoup selon les régions. Ce nombre varie de 2447 en Abitibi à plus de 13 000 sur la Côte-Nord. Cette variabilité est également observée dans le cas des lacs présentant un pH inférieur ou égal à 6 (lacs acides et en voie d’acidification). Le pourcentage de tels lacs varie de 29 % au Saguenay – Lac-Saint-Jean à 66 % sur la Côte-Nord avec un nombre total de lacs allant de 6171 (Abitibi) à plus de 26 000 sur la Côte-Nord.

Le Québec compte plus de 450 000 lacs de toute taille. Des études récentes effectuées sur le Bouclier canadien au sud du 51e parallèle nord (latitude du lac Mistassini et de Manic 5) montrent qu'il y aurait un minimum de 29 432 lacs acides de plus d’un hectare sur les 159 842 lacs inventoriés, ce qui représente un pourcentage de plus de 18 %. Le nombre combiné de lacs acides et en voie d’acidification dépasserait les 81 000, soit 52 % de l'ensemble des lacs inventoriés.

Région Lacs acides
(pH £ 5,5)
Lacs acides et en
transition (pH £ 6)
Nombre total
de lacs
% Nombre % Nombre
Outaouais 23,3 7 708 62,5 20 675 33 080
Mauricie 11,8 3 139 58,3 15 509 26 602
Saguenay 6,9 3 072 29,0 13 101 45 177
Côte-Nord 33,0 13 066 66,0 26 132 39595
Abitibi 15,9 2 447 40,1 6 171 15 388
Total 18,4 29 432 51,0 81 588 159 842

 

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L’origine de l’acidité des lacs acides du Québec n’est pas toujours la même. Ainsi, les lacs acides des régions de l’Outaouais, de la Mauricie et de l’Abitibi ont majoritairement subi une acidification récente en raison des forts dépôts acides d’origine humaine, alors que l’acidité des lacs de la Côte-Nord est presque essentiellement d’origine naturelle (lacs aux eaux brunes).

Au plan de la qualité des eaux de surface, les sulfates sont souvent considérés comme un bon indicateur de l'intensité des retombées acides. Une grande concentration de sulfates dans les eaux de surface est souvent l'indication de dépôts acides élevés. Les sols et la roche présents dans le bassin versant des lacs peuvent aussi générer des sulfates, mais cette production naturelle est généralement faible et varie très peu sur le Bouclier canadien. Les concentrations de sulfates les plus élevées sont observées au sud-ouest du Québec et autour de Rouyn-Noranda et décroissent vers le nord et le nord-est. Les concentrations de sulfates en lac passent ainsi de plus de 6 milligrammes par litre dans le sud-ouest québécois à moins de 2 milligrammes par litre sur la Côte-Nord. Cette répartition des concentrations est presque identique à celle des retombées de sulfates, où les dépôts humides annuels passent de plus de 30 kilogrammes par hectare par année au sud du Québec à moins de 10 dans le nord et le nord-est québécois.

Effets de l'acidité sur les organismes aquatiques

L’observation de la présence, de la structure des populations et de la diversité des espèces biologiques en relation avec la qualité de l’eau permet d’évaluer leur état de santé et l’intensité des dommages causés par l’acidité. Cette observation des organismes se fait par échantillonnage sur le terrain selon diverses méthodes de capture (filets, nasses et trappes à alevins pour le poisson, piège à benthos pour les insectes aquatiques, etc.). Dans le cas des populations de poissons, 253 lacs du Bouclier canadien ont été visités durant l'été à raison de 40 à 70 lacs par grande région hydrographique.

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Les études scientifiques démontrent clairement que le nombre d'espèces de poissons et autres organismes aquatiques (plancton, insectes aquatiques, plantes, etc.) diminue avec l'augmentation de l'acidité. L'ensemble des organismes ne subissent à peu près pas d'effets néfastes tant que le lac maintient un pH supérieur à 6 unités. Entre 6 et 5,5, l'acidité fait disparaître les espèces les plus sensibles, comme les ménés et le doré jaune. Les dommages s'accentuent entre 5,5 et 5, où plus de 75 % des espèces de poissons disparaissent. Lorsque le pH descend en bas de 5,0 unités, seules les espèces les plus résistantes peuvent survivre, bien que leur capacité de reproduction soit fortement compromise. Dans la seule région hydrographique de l'Outaouais, on estime à plus de 10 000 le nombre des populations de poissons (réparties parmi une trentaine d'espèces) qui auraient disparu depuis le début du siècle.

En plus d'une perte de diversité, l'acidification est aussi responsable de divers effets directs et indirects sur les organismes biologiques tels que la baisse de la densité de poisson dans les lac, la disparition de certaines espèces, l’accroissement de la mortalité des oeufs et des alevins, l’augmentation du stress environnemental, l’apparition de problèmes respiratoires au niveau des branchies, la baisse du rendement de pêche sportive, la toxicité accrue de l'aluminium et des autres micro-polluants, l’appauvrissement de la chaîne alimentaire, l’appauvrissement du réservoir génétique des espèces, etc.

Les dommages et le niveau de stress reliés à l’acidité du milieu varient selon les régions hydrographiques. Les dommages les plus importants ont été observés dans les secteurs recevant de forts dépôts acides. C’est le cas entre autres des lacs acides des régions de l’Outaouais, de la Mauricie et de l’Abitibi où les populations de poissons ont été particulièrement touchées, le poisson étant disparu de plusieurs de ces lacs. À l’opposé, peu d’effets ont été observés sur les populations de poissons de la région de Saguenay – Lac-Saint-Jean où le pourcentage de lacs acides est plus faible. La Côte-Nord, quant à elle, constitue une région particulière. Malgré une forte proportion de lacs acides, cette région demeure somme toute moins affectée par l’acidification d’origine humaine. Une grande proportion des lacs sans poissons de cette région s’avèrent en fait des lacs " vierges " où le poisson ne s’est jamais implanté. De plus, les conditions d’acidité naturelle qui sont observées dans ce secteur existent probablement depuis des millénaires, ce qui implique que les populations de poissons se sont probablement adaptées à de tels milieux.

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L'acidification a aussi un impact au niveau de la végétation aquatique. Lorsque le pH passe de 6 à 5 unités, les plantes aquatiques sont remplacées par les mousses qui, avec le temps, en viennent à tapisser le fond du lac. Cet envahissement, combiné à l'acidité, diminue la qualité de l'habitat en colmatant et en détruisant les frayères. Ce phénomène accélère également la disparition des insectes aquatiques au fond du lac (benthos), qui constituent la principale source de nourriture pour plusieurs espèces de poissons.

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