Le coin de Rafale

Sais-tu en quoi consiste le travail d’un chimiste spécialiste de la caractérisation des émissions atmosphériques?

Mohamed Rassoul, chimiste au CEAEQ.
Photo : CEAEQ

MagmaComme je posais beaucoup de questions à oncle Robert sur la manière dont nous pouvons vérifier la qualité de l’air que nous respirons, et plus particulièrement sur le contrôle des rejets atmosphériques des usines, il m’a suggéré de rencontrer Mohamed Rassoul, un chimiste qui travaille au Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec (CEAEQ). Je suis donc allée le rencontrer à son bureau à Laval pour lui poser mes questions.

MagmaBonjour M. Rassoul. Quel travail effectue un chimiste spécialiste de la caractérisation des émissions atmosphériques?

Ce professionnel réalise ou supervise des campagnes d’échantillonnage et de mesure des émissions atmosphériques directement sur le terrain, en se rendant dans les différentes usines et en effectuant des prélèvements d’échantillons dans les cheminées. Il existe plusieurs raisons de contrôler les gaz rejetés dans l’atmosphère par les installations industrielles : faire une enquête, réaliser un suivi environnemental, acquérir des connaissances sur de nouvelles méthodes d’échantillonnage ou sur certaines substances chimiques appelées « contaminants », ou encore se familiariser avec l’utilisation de nouveaux équipements. C’est une profession très dynamique et passionnante. Je peux travailler aussi bien au bureau qu’à l’extérieur.

Mon principal outil de travail est le Cahier 4 du Guide d’échantillonnage à des fins d’analyse environnementale consacré à l’échantillonnage des émissions atmosphériques en provenance de sources fixes, telles que les cheminées industrielles. C’est un document mentionné par le Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère (RAA). Ce dernier fixe les limites maximales, c’est-à-dire les seuils ou les normes que les contaminants susceptibles d’être rejetés dans l’atmosphère par les cheminées des usines ne doivent pas dépasser.

Lorsque je suis au bureau, je travaille en étroite collaboration avec les scientifiques et les inspecteurs du Ministère. Je leur fais des recommandations et je leur donne des conseils sur des dossiers complexes afin que les usines respectent les normes d’émission prévues dans les règlements, les certificats d’autorisation ou les permis d’opération. Je rédige donc des avis d’expertise sur les devis et sur les rapports de caractérisation soumis par les firmes privées spécialisées dans le domaine de l’échantillonnage des rejets atmosphériques. Je m’assure que le travail effectué est conforme aux règles de l’art et aux méthodes de référence prescrites dans le Cahier 4.

Je consacre aussi une partie de mon temps à faire des lectures et des recherches, afin de poursuivre le développement de mon expertise et d’être au courant des dernières innovations technologiques. Il est essentiel que je reste à l’affût des découvertes scientifiques pour pouvoir répondre efficacement aux questions des inspecteurs et des scientifiques du Ministère. De plus, je participe activement au développement technologique dans le domaine de la qualité de l’air en proposant des objectifs et des orientations au Ministère en ce qui concerne l’échantillonnage, la mesure des émissions atmosphériques et leur quantification.

Cheminée d’une usine de produits pétroliers.
Photo : CEAEQ

L’autre volet de mon travail s’effectue à l’extérieur, directement sur le terrain, avec le laboratoire mobile LARA (laboratoire d’analyse de rejets atmosphériques). Ce laboratoire spécialisé est équipé de plusieurs instruments scientifiques qui permettent de mesurer la concentration des gaz émis par les cheminées et de prélever des échantillons. Ces derniers sont acheminés vers un laboratoire accrédité par le Ministère où ils sont analysés pour déterminer la concentration des contaminants rejetés dans l’atmosphère. Par la suite, j’interprète les résultats des analyses, je rédige un rapport d’expertise et je le transmets au responsable de la direction régionale du Ministère qui s’occupe du dossier de l’industrie concernée. Comme il y a des usines dans toutes les régions du Québec, je voyage beaucoup avec les membres de mon équipe.

Laboratoire d’analyse de rejets atmosphériques (LARA). Photo : CEAEQ
Photo : CEAEQ

MagmaQu’aimez-vous particulièrement dans votre travail?

Chaque dossier étudié est complexe et toutes les sorties sur le terrain présentent des défis particuliers que j’aime relever. Je trouve cela très stimulant! Lorsque notre équipe est appelée pour faire l’échantillonnage des gaz émis par les cheminées d’une usine, il faut d’abord réfléchir à la problématique et déterminer la meilleure façon d’aller prendre des échantillons dans la cheminée. Il est très important d’effectuer les prélèvements de façon très rigoureuse pour obtenir des résultats représentatifs de la situation.

Les membres de l’équipe technique doivent sélectionner avec soin les équipements nécessaires, s’assurer qu’ils sont en bon état de fonctionnement et planifier le déroulement des travaux sur le terrain. Il arrive souvent qu’on rencontre des difficultés lors de l’installation des équipements; il faut alors s’ajuster et prendre le temps de trouver les meilleurs emplacements pour fixer les structures qui permettent d’accéder à l’ouverture prévue dans la cheminée. Évidemment, il faut respecter des règles de sécurité strictes pour éviter les blessures : porter son casque, ses lunettes et ses bottes de sécurité.

Mon travail me permet de me déplacer partout à travers le Québec. Moi qui aime voyager et découvrir de nouveaux environnements, j’ai donc la chance de profiter de la diversité des paysages selon les saisons, de rencontrer les gens des différentes régions du Québec et d’en apprendre davantage sur leur mode de vie et leur culture, qui diffèrent selon que je me rende au nord ou au sud de notre belle province.

MagmaEn quoi consiste une journée typique à votre travail?

Installation des dispositif d’échantillonnage des rejets atmosphériques. Photo : CEAEQ

En fait, comme mon travail est varié, je vais te donner deux exemples de journée typique.

Lorsque je suis au bureau, en plus de répondre aux questions qui me parviennent des différentes directions régionales du Ministère, je rédige des avis scientifiques sur les devis et sur les rapports d’échantillonnage. Je supervise aussi le travail du technicien qui réalise l’entretien et l’étalonnage des équipements d’échantillonnage. Je participe également aux travaux de comités d’étude qui traitent de la qualité de l’air et des émissions atmosphériques.

Mes journées à l’extérieur du bureau sont totalement différentes. Elles commencent tôt le matin et finissent souvent tard le soir. Le travail sur le terrain exige beaucoup de préparation. Il faut s’assurer d’apporter avec soi tous les équipements nécessaires et ne rien oublier. Lorsque nous arrivons sur le site d’une usine, comme chacun des sites visités est différent, nous devons d’abord suivre une formation en santé et sécurité; cela consiste généralement à visionner une vidéo qui nous informe des dangers potentiels, des mesures à prendre et des comportements à adopter pour éviter les risques de blessures. Nous installons ensuite les équipements sur la cheminée et nous y prélevons des échantillons à l’aide des dispositifs d’échantillonnage. À la fin des prélèvements, les dispositifs sont démontés et les échantillons sont récupérés à l’intérieur de notre laboratoire mobile.

Pour mesurer la concentration des gaz tels que le dioxyde de carbone , les oxydes d’azote ou d’autres gaz à effet de serre, qui jouent un rôle dans le réchauffement climatique, nous utilisons un système de mesure des émissions en continu (SMEC). Ce système comprend des analyseurs spécifiques qui mesurent et enregistrent les concentrations des gaz toutes les minutes, d’où l’expression « en continu ». Les résultats obtenus sont ensuite utilisés pour vérifier si les normes d’émission sont respectées.

Puisque les campagnes de mesure s’échelonnent habituellement sur plusieurs jours et même parfois sur quelques semaines, il arrive souvent que nous restions plus d’une semaine complète à l’extérieur avant de retourner au bureau.

Quelles sont les études nécessaires pour devenir un chimiste spécialiste de la caractérisation des émissions atmosphériques?

C’est un travail qui exige des connaissances dans le domaine de la chimie de l’air, de la physique, de l’électricité, de l’informatique et dans d’autres domaines scientifiques. Si ce métier t’intéresse, lorsque tu termineras tes études secondaires, tu pourras t’inscrire au cégep dans un programme de sciences de la nature. Après avoir obtenu ton diplôme d’études collégiales (DEC), tu devras poursuivre tes études à l’université de ton choix pour obtenir un baccalauréat en sciences (chimie, physique, etc.) ou en génie.

Tu complèteras ta formation en effectuant des stages dans des firmes spécialisées dans le domaine des émissions atmosphériques. Cela te permettra de participer à des sorties sur le terrain et de te familiariser avec les exigences de l’emploi.

MagmaOutre les études, qu’est-ce que ça « prend » pour travailler comme chimiste spécialiste de la caractérisation des émissions atmosphériques?

Ce travail nécessite non seulement de posséder des connaissances scientifiques, mais aussi d’appliquer avec rigueur les procédures d’assurance et contrôle de la qualité prévues dans les méthodes de référence validées par des organismes reconnus.

La personne qui veut pratiquer ce métier devra aimer le travail à l’extérieur et être prête à voyager partout au Québec, car le travail exige des déplacements dans les régions et les villes où se trouvent les usines. Elle aura probablement à conduire un « laboratoire mobile », c’est-à-dire une remorque aménagée en laboratoire tirée par un camion. Donc, elle devra aimer la conduite des véhicules lourds et être familière avec les règles du Code de la sécurité routière applicables à ces véhicules.

Pour prendre des échantillons ou des mesures, il faut installer des dispositifs particuliers sur la cheminée à plusieurs mètres de hauteur par rapport au sol. Lorsqu’il n’y a pas d’échelle, on doit accéder à la cheminée à l’aide de nacelles ou de plateformes élévatrices. Il ne faut donc pas avoir peur des hauteurs. Le spécialiste de la caractérisation des émissions atmosphériques doit être en bonne condition physique et très débrouillard car il doit réparer les équipements sur place et résoudre les problèmes rencontrés. Il doit donc être polyvalent, capable d’allier le travail physique de terrain au travail de bureau, qui est plus intellectuel. Il doit par la suite interpréter les résultats obtenus et écrire des avis d’expertise avec des recommandations, qu’il transmettra aux directions régionales du Ministère.

MagmaSelon vous, à quoi ressemblera le travail d’un chimiste spécialiste de la caractérisation des émissions atmosphériques dans 10 ans? Quels seront vos défis?

Utilisation d’une nacelle élévatrice pour l’échantillonnage. Photo : CEAEQ

Actuellement, le grand défi de l’heure est la lutte contre les changements climatiques. Il faut donc concevoir des méthodes de mesure, de contrôle et de réduction des rejets atmosphériques en vue de diminuer leurs impacts sur l’environnement et de protéger la santé des citoyens. Pour les dix prochaines années, les spécialistes de la caractérisation des émissions atmosphériques auront beaucoup de travail! Avec le développement de nouveaux outils technologiques et d’applications informatiques de toutes sortes, la façon de faire les prélèvements et les analyses sera probablement différente. Je vais te donner un exemple d’évolution dans les façons de faire. Il y a de cela plusieurs années, les calculs complexes étaient effectués à la main ou à l’aide de calculatrices électroniques. Maintenant, ils sont faits facilement à l’aide d’ordinateurs portables ou de tablettes. De plus, les instruments d’échantillonnage et de mesure utilisés ont beaucoup bénéficié des développements informatiques et sont capables d’enregistrer et de transmettre les résultats à distance.

Le travail pourrait sans doute se faire plus facilement, grâce à des applications comme celles que tu as probablement sur ta tablette ou sur ton téléphone intelligent. Mais les difficultés propres au travail effectué sur le terrain vont demeurer, et il faut toujours y être bien préparé.

MagmaAvez-vous un message à transmettre aux jeunes qui souhaitent suivre vos traces?

Quand j’étais jeune, je ne réalisais pas nécessairement l’importance de la chimie et de la physique pour améliorer la qualité de vie. Puis, au fur et à mesure de mes études, j’ai réalisé le rôle de ces deux sciences dans notre vie de tous les jours. Cuisiner, c’est faire de la chimie! Tout est dans la façon de voir les choses. Bien sûr, étudier en sciences exige de travailler fort pour comprendre les concepts et les lois de la chimie et de la physique, mais je crois que l’effort en vaut la peine! Donc, travaillez fort à l’école si vous souhaitez poursuivre vos études et faire le métier de votre choix. Si vous commencez dès à présent à vous familiariser avec les sciences, vous allez sans doute découvrir de nouvelles avenues pour participer à la protection de l’environnement, et finalement découvrir que les sciences, c’est passionnant!

MagmaJ’ai entendu parler de l’Ordre des chimistes du Québec. De quoi s’agit-il au juste?

Il s’agit d’un organisme qui a pour mandat d’assurer le bon travail des chimistes. Il protège le public en s’assurant que ses membres sont compétents et qu’ils ont les diplômes et les qualifications requis pour faire un travail de qualité. Pour faire mon travail, je dois donc obtenir un permis d’exercice de la profession délivré par l’Ordre des chimistes du Québec.

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Magma

Publication : mars 2017