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Crue printanière de 2017 : le plus fort apport en eau potentiel depuis 1974

La crue printanière de 2017 a été alimentée, entre le 1er avril et le 15 mai, par 412 mm d’eau de fonte potentielle et de précipitations, en moyenne, dans le sud du Québec. Il s’agit du deuxième plus important apport en eau à tenter de s’écouler par nos rivières en 55 ans d’observations, le record de 425 mm ayant été établi lors des graves inondations de 1974. Le Québec a dû composer cette année avec le deuxième plus fort total de pluie (134 mm) en période de fonte du couvert de neige au sol, qui était pour sa part, à la fin mars, le huitième plus chargé en eau (256 mm) des 55 dernières années.

Du jamais vu en 100 ans d’observations dans ces régions, entre 240 et 325 mm de pluie sont tombés du 1er avril au 7 mai sur l’Outaouais, la Montérégie, les Laurentides, Lanaudière, la Mauricie et le Centre-du-Québec, causant des inondations qui perduraient encore à la mi-mai. Alors que treize des dix-sept régions du Québec connaissaient déjà des inondations en avril, de 100 à 140 mm de pluie se sont ajoutés lors de la première semaine de mai uniquement sur l’Outaouais, les Laurentides, Lanaudière et la Mauricie, engendrant des débits et des niveaux historiques dans les cours d’eau. Ces accumulations record de pluie, prévisibles quelques jours à l’avance seulement, ont présenté un défi de taille pour l’évacuation des eaux.

L’inondation de près de 5 400 résidences, dans les 261 municipalités touchées, a entraîné l’évacuation de plus de 4 000 personnes, le décret de l’état d’urgence à Montréal et à Laval, ainsi que le déploiement des Forces armées canadiennes. Plus de 550 routes ont été inondées, endommagées ou affectées par de nombreux mouvements de terrain.

Les températures étaient de 1,8 °C, en moyenne, dans le sud du Québec, de retour au-dessus du point de congélation, mais à 0,6 °C sous les normales. Alors que, dans l’extrême sud du Québec, les températures à 2 °C au-dessus des normales entraînaient le retrait rapide du couvert de neige, plus au nord, le couvert de neige était préservé par les températures plus froides. Ainsi, la fonte, généralement plus tardive, y a coïncidé avec la plus forte période de pluie.

Chronologie des événements

À la fin de mars, après un quatrième mois consécutif de neige abondante et de temps froid, le couvert de neige était plus épais (75 cm, 130 %) et gorgé d’eau (256 mm, 130 %) que la normale, en moyenne, dans le sud du Québec.

À la mi-avril, près du tiers (88 mm) du couvert de neige était fondu, après deux semaines à 1,8 °C au-dessus des normales durant lesquelles 30 mm de pluie s’ajoutaient, en moyenne, dans le sud du Québec. L’apport en eau estimé était alors de 118 mm et la pluie causait des inondations mineures dans le sud-ouest du Québec. Le sol était désormais découvert de la Montérégie à l’Estrie, alors que, plus au nord, les températures suffisamment froides permettaient de préserver et même d’accroître le couvert de neige, encore plus épais (44 cm, 180 %) et chargé d’eau (205 mm, 160 %) que la normale.

À la fin d’avril, seules de faibles quantités de neige avaient fondu (15 mm) après deux semaines à 1,3 °C sous les normales, mais les pluies, toujours abondantes (37 mm), doublaient ce total pour un apport en eau estimé de 49 mm, en moyenne, dans le sud du Québec. Des rivières étaient sous surveillance ou causaient des inondations dans treize des dix-sept régions administratives du Québec. Le couvert de neige était alors trois fois plus épais (36 cm, 365 %) et contenait deux fois plus d’eau (193 mm, 228 %) que la normale, en moyenne, dans le sud de la province. Il excédait de 75 cm (350 mm) la normale dans le nord de la Mauricie.

À la mi-mai, malgré deux autres semaines à 0,9 °C sous les normales, les températures étaient généralement au-dessus du point de congélation et 141 mm d’eau de fonte s’ajoutaient aux 65 mm de pluie tombés, en moyenne, sur le sud du Québec. L’apport estimé de 206 mm était quatre fois plus élevé que celui de la période précédente. Déjà inondés, l’Outaouais, les Laurentides, Lanaudière et la Mauricie recevaient de 100 à 180 mm de pluie, principalement la première semaine, engendrant des débits et des niveaux historiques dans les cours d’eau. L’état d’urgence était décrété le 7 mai à Montréal, où, trois jours plus tard, l’armée tentait toujours de contenir la crue de la rivière des Prairies, à l’aide d’une impressionnante digue de sable. L’eau montait encore en Mauricie et au Centre-du-Québec et les inondations s’étendaient vers l’est du Québec, où Percé en Gaspésie recevait 230 mm de pluie. Les niveaux se stabilisaient finalement et commençaient à baisser en Outaouais le 9. Un mince couvert de neige restait toujours au sol à la mi-mai, plus épais (3 cm, 360 %) et chargé d’eau (52 mm, 285 %) que la normale, en moyenne, dans le sud de la province. La situation demeurait préoccupante sur le haut des bassins de l’Outaouais, du Saint-Maurice, du Saguenay et de la Côte-Nord, avec 20 à 40 cm de neige au sol.

Le défi de la gestion des eaux de crue printanière

Le Québec s’est bâti le long de ses cours d’eau, une stratégie payante pour la colonisation, mais coûteuse lors d’inondations. Montréal et Gatineau sont notamment situés au confluent de rivières alimentées par l’eau de fonte et les précipitations cumulées sur de grands bassins versants; ils sont donc plus vulnérables aux inondations printanières, qui ont inspiré bon nombre d’adaptations. Si on soupçonne toujours un hiver chargé de neige d’en être la source, il demeure difficile de prévoir ces inondations puisqu’elles ne surviennent que lorsque des pluies abondantes accompagnent la fonte. C’est ce qui ressort de l’analyse de l’apport en eau des 55 derniers printemps (depuis 1963) dans le sud du Québec.

Le couvert de neige maximal date de 1972, avec 102 cm (pour un équivalent en eau de 313 mm), et le second est encore frais à nos mémoires, avec 94 cm (292 mm) en 2008. Bien que la quantité d’eau de fonte disponible était alors beaucoup plus importante que ce printemps (256 mm), les conditions de fonte normales en 2008 (24e avec 83 mm), voire sèches en 1972 (54e avec 29 mm), n’avaient pas causé autant de problèmes. Les inondations printanières majeures s’inscrivent dans un contexte moins commun.

Trois crues printanières ont été alimentées à la fois par une fonte et des pluies parmi les 10 plus grandes des 55 dernières années : en 1974 (3e fonte avec 277 mm et 8e pluie avec 104 mm) 300 municipalités avaient été inondées, en 2014 (10e fonte avec 245 mm et 5e pluie avec 106 mm) des évacuations avaient été nécessaires partout au Québec et maintenant, en 2017 (8e fonte avec 256 mm et 2e pluie avec 134 mm). L’inondation de la rivière Richelieu, en 2011, la plus longue catastrophe naturelle à avoir touché le Québec, découle de la sixième période de fonte la plus pluvieuse (105 mm), en moyenne, dans le sud du Québec, durant laquelle 290 mm sont tombés aux abords du Lac Champlain. Exclue de ce trio en raison d’un couvert de neige normal (28e avec 211 mm), c’est sans compter les précipitations hivernales record tombées sur la portion étatsunienne de son bassin versant, qui représente environ 85 % de sa superficie.

Alors que la fonte du couvert de neige est relativement prévisible, ce n’est pas le cas des pluies record. Ensemble, elles représentent, malgré d’ingénieux efforts, un grand défi pour la gestion des eaux. L’écoulement de milliards de litres d’eau, en peu de temps et dans des cours d’eau se trouvant en région fortement peuplée, laisse des traces. Malheureusement, les projections concernant le climat futur n’annoncent pas d’embellie à cet égard.

Pluie totale (mm)
Apport en eau potentiel total (mm)
Apport en eau potentiel - Pourcentage de la normale (%)
Équivalent en eau du couvert de neige au sol (mm)

Principales localités touchées disposant d’un historique climatique d’au moins trente ans
Municipalité Région Pluie du 1er avril au 7 mai
Pluie
(mm)
Record
(mm)
Rang Année
(nbre)
Lachute Laurentides 324 201 1 59
Percé Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine 314      
Chelsea Outaouais 310 193 1 89
Port-Daniel Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine 281 252 1 91
Rigaud Montérégie 280 185 1 59
Coteau-du-Lac Montérégie 261 184 1 51
Gatineau (Angers) Outaouais 257 179 1 56
Sorel Montérégie 253 187 1 103
Sainte-Anne-de-la-Pérade Mauricie 247 202 1 68
Sainte-Christine Montérégie 247 198 1 59
Saint-Jacques Lanaudière 245 199 1 49
La Tuque Mauricie 244 184 1 105
Laurierville Centre-du-Québec 240 177 1 80
Chénéville Outaouais 239 196 1 75
Saint-Alban Capitale-Nationale 237 185 1 68
Saint-Jérôme Laurentides 226 214 1 84
Oka Laurentides 224 193 1 77
Verchères Montérégie 220 216 1 59
Richmond Estrie 211 158 1 69
Saint-Côme Lanaudière 205 204 1 67
Saint-Elzéar-de-Bonaventure Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine 203 205 2  
Drummondville Centre-du-Québec 203 182 1 104
Sainte-Martine Montérégie 203 163 1 76
Granby Montérégie 199 218 2 69
Nicolet Centre-du-Québec 192 179 1 104
Lingwick Estrie 189 170 1 66
Danville Estrie 186 153 1 46
Rivière-au-Tonnerre Côte-Nord 184 308 3 53
Farnham Montérégie 182 189 2 89
Scott Chaudière-Appalaches 173 180 2 65
Saint-Urbain Capitale-Nationale 172 266 4 60
Stanstead (Georgeville) Estrie 172 194 2 66
Saint-Prosper Cahdière-Appalaches 169 246 3 57
Cap-des-Rosiers Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine 164 250 2 48
Caplan Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine 158 182 2 68
Coaticook Estrie 156 176 2 68
La Malbaie Capitale-Nationale 153 231 3 95
Tadoussac Côte-Nord 152 287 3 102
La Morandière Abitibi-Témiscamingue 151 114 1 55
Rimouski Bas-Saint-Laurent 151 149 1 65
Ville-Marie Abitibi-Témiscamingue 146 109 1 101
Lac Mégantic Estrie 145 142 1 94
Belleterre Abitibi-Témiscamingue 140 126 1 66
Dégelis (Sainte-Rose) Bas-Saint-Laurent 139 200 2 85
Rivière-Bleue Bas-Saint-Laurent 139 203 2 67
Saint-Michel-des-Saints Lanaudière 137 169 3 82
Saint-Ambroise Saguenay--Lac-Saint-Jean 124 125 2 62
Rouyn-Noranda (Montbeillard) Abitibi-Témiscamingue 123 118 1 42

Apport en eau potentiel sur le sud du Québec (moyenne géostatistique)
Année 1er avril Apport en eau potentiel (1er avril au 15 mai) Événements
Neige au sol Éq. eau*
Pluie Neige
Total
(cm) (mm) (mm) (cm) (mm)
2017 75 256 134 21 412 Inondations sud du Québec
2016 67 227 60 21 308  
2015 73 233 87 20 339  
2014 84 245 106 37 388 Inondation Capitale-Nationale
2013 58 212 86 27 325  
2012 31 130 90 24 243  
2011 65 211 105 37 353 Inondation Richelieu
2010 39 139 83 8 230  
2009 67 223 102 21 346  
2008 94 292 83 18 394  
2007 46 168 53 32 253  
2006 59 239 78 13 331  
2005 74 230 104 14 347  
2004 65 226 96 30 352  
2003 60 173 86 15 273  
2002 80 224 96 24 344  
2001 77 204 60 8 273  
2000 45 150 90 39 279  
1999 85 257 31 13 302  
1998 48 153 50 12 216  
1997 92 266 77 21 363  
1996 64 195 88 39 322 Déluge du Saguenay en juillet
1995 58 186 72 37 296  
1994 79 221 85 35 341  
1993 52 174 113 19 306  
1992 76 215 64 23 303  
1991 77 227 71 20 319  
1990 55 188 75 23 286  
1989 61 195 82 17 294  
1988 59 181 74 22 276  
1987 32 127 69 17 212
1986 60 176 66 34 276  
1985 72 207 51 24 282  
1984 78 232 84 13 329  
1983 67 187 148 31 366  
1982 79 223 52 49 323  
1981 56 201 116 26 342  
1980 59 169 97 16 282  
1979 63 200 87 28 315  
1978 98 255 44 31 329  
1977 79 275 41 41 357  
1976 65 199 88 30 317  
1975 79 210 32 36 277  
1974 99 277 104 44 425 Plus de 300 municipalités inondées
1973 60 189 118 33 340  
1972 102 313 29 21 363  
1971 80 241 61 25 327  
1970 78 213 55 30 298  
1969 86 276 71 25 372  
1968 60 188 56 20 264  
1967 66 193 59 24 276  
1966 70 225 29 29 282  
1965 58 177 47 13 237  
1964 86 220 59 12 291  
1963 66 177 53 36 266  

Légende :
* Éq. eau : équivalent en eau de la neige au sol à fondre au 1er avril. De cette eau disponible, 50 mm restent normalement toujours à fondre sous forme de neige à la mi-mai, en moyenne, au sud du Québec, et une part (estimée à moins de 10 %) s’échappe par sublimation et se soustrait du ruissellement. L’apport en eau réel serait ainsi généralement un peu plus bas que la valeur présentée. En bleu foncé : équivalent en eau du couvert de neige au sol, total de précipitations (pluie et neige) et apport en eau potentiel total parmi les dix plus grands. En bleu pâle : équivalent en eau du couvert de neige au sol, total de précipitations (pluie et neige) ou apport en eau potentiel total parmi les dix plus grands. En italique : années où la représentativité géostatistique de l’équivalent en eau de la neige au sol peut être influencée par un nombre moins élevé d’observations par endroits, notamment sur la Côte-Nord.